Exposition prénatale aux pesticides et conséquences sur la santé

Deux études françaises sont parues dernièrement et se sont penchées sur l’exposition prénatale aux pesticides et aux conséquences sur la santé.

La premier travail est une expertise collective provenant de l’Inserm. Cette revue de la littérature (5300 documents étudiés) a permis une actualisation des connaissances sur le sujet de l’exposition aux pesticides et la santé humaine. Parmi ces informations, le lien entre exposition prénatale de la mère aux pesticides et développement de leucémie chez l’enfant a été précisé. Ainsi la présomption de liens s’est renforcée entre usage domestique de pesticides et risque de développement de leucémie aiguës, tout comme l’exposition professionnelle et le risque de leucémie aiguë myéloïde. Un nouveau lien, à confirmer avec d’autres données, a été également découvert entre le risque de leucémie aiguë lymphoblastique en cas d’exposition professionnelle paternelle en période préconceptionnelle.

Ces travaux ont aussi confirmé la présomption d’une association forte entre exposition professionnelle aux pesticides des parents durant la période prénatale et risque de développement de tumeurs du système nerveux central chez l’enfant. D’autres études de cohortes mère-enfant indiquent des liens entre expositions à certaines familles de pesticides et d’autres complications de santé. On peut citer par exemple l’exposition aux organophosphorés et le risque troubles du développement neuropsychologique et moteur chez l’enfant. Les pyréthrinoïdes, utilisés de plus en plus en remplacement des organophosphorés, sont quant à eux associés avec certains de troubles du comportement intériorisés comme l’anxiété.

La seconde étude, publiée dans la revue Environmental Research, est un travail collectif entre des chercheurs de l’Inserm, EHESP, Ineris et l’Anses. Cet article s’intéresse au lien entre exposition prénatale aux pesticides et risque de pré-éclampsie et exploite des données provenant de la cohorte ELFE (Étude Longitudinale Française depuis l’Enfance).

Les données de l’étude écartent l’exposition par l’alimentation mais la proximité du lieu de vie près de zones agricoles ainsi que l’utilisation domestique de pesticides sont deux facteurs associés avec le risque de développement de pré-éclampsie. Ce constat mérite cependant d’autres études pour être confirmé.

Les auteurs rappellent dans les conclusions de ces deux travaux qu’il est nécessaire de rester vigilant face à l’exposition aux pesticides. Cette vigilance vaut évidemment à proximité de terres agricoles mais aussi au sein de la maison. Ainsi l’utilisation d’insecticides/biocides dans l’espace domestique doit se faire avec précaution ou si possible être remplacé par d’autres usages.

Références :
Expertise collective de l’Inserm : https://presse.inserm.fr/publication-de-lexpertise-collective-inserm-pesticides-et-effets-sur-la-sante-nouvelles-donnees/43303/

Article d’Environmental Research :
Enderle I., Costet N., Cognez N., et al., 2021 : Prenatal exposure to
pesticides and risk of preeclampsia among pregnant women: Results from the ELFE
cohort [En ligne] Environmental Research, vol.197 https://doi.org/10.1016/j.envres.2021.111048

Exposition par l’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants aux résidus de pesticides : quels risques sanitaires ?

Les auteurs ont étudié l’exposition chronique aux pesticides par l’alimentation d’enfants français âgés de moins de 3 ans. 516 pesticides et leurs métabolites ont été analysés dans 309 échantillons d’aliments, comprenant des échantillons de nourriture pour bébé et des échantillons d’aliments classiques. A partir de ces analyses, les auteurs ont pu estimer l’exposition chronique des enfants à ces pesticides par l’alimentation selon deux scénarios, et déterminer en conséquence les risques sanitaires associés.

67% des échantillons présentaient des résidus de pesticides, soit 27% des échantillons d’aliments pour bébé et 60% des échantillons d’aliments classiques. Pour 278 pesticides, les concentrations restaient toujours en dessous des valeurs toxicologiques de référence. Cependant, des analyses plus précises seraient à mener pour une partie des pesticides étudiés. D’autre part, l’absence de valeurs toxicologiques de référence pour certains pesticides gêne l’estimation précise du risque sanitaire. De plus, l’EFSA recommande désormais que l’exposition des très jeunes enfants à certains résidus de pesticides par l’alimentation soit inférieure aux concentrations maximales admises dans les aliments à destination des nourrissons et jeunes enfants.

Références : Nougadere A., Sirot V., Cravedi J. P. et al., 2020 : Dietary exposure to pesticide residues and associated health risks in infants and young children – Results of the French infant total diet study. [En ligne]. Environment International, vol. 137, 12p. Disponible sur : https://doi.org/10.1016/j.envint.2020.105529

Rapport annuel de l’European Food Safety Agency sur les résidus de pesticides dans les aliments

Chaque année, l’European Food Safety Agency (EFSA) publie un rapport analysant les concentrations de pesticides présentes dans les produits alimentaires au sein de l’Union Européenne. En plus d’évaluer les résidus de pesticides présents dans les aliments, l’EFSA estime également dans ses rapport les risques sanitaires associés. Ce rapport présente les données pour l’année 2018.

Les analyses ont montré que 95,5% des 91 015 échantillons étudiés respectaient les limites légales autorisées. Malgré ce pourcentage encourageant, l’EFSA a constaté des évolutions très variables. Dans son rapport, elle propose plusieurs diagrammes et graphiques qui permettent d’observer l’évolution entre 2017 et 2018. On observe que pour une partie des pays, le pourcentage d’échantillons dépassant les limites légales a augmenté, tandis qu’il a diminué pour d’autres. De la même manière, si pour certains aliments la part d’échantillons dépassant les limites légales a baissé, elle a augmenté pour d’autres produits.

Sur les 91 015 échantillons analysés, 4 746 étaient des échantillons de produits français. 2 865 d’entre eux présentaient des résidus de pesticides trop faibles pour être quantifiés. En revanche, 210 de ces échantillons (soit 4,4%) dépassaient les limites légales autorisées pour les résidus de pesticides.

D’autre part, l’EFSA fournit également dans son rapport des données sur les résidus de pesticides présents dans les échantillons issus de pays extérieurs à l’Europe. On constate que de manière générale, le pourcentage d’échantillons dépassant les limites légales autorisées est plus important.

Afin de déterminer les risques sanitaires liés aux résidus de pesticides, l’EFSA a estimé l’exposition chronique à ces résidus par le biais de l’alimentation et a comparé cette exposition aux valeurs limites d’exposition recommandées. L’EFSA a conclu que l’exposition chronique aux résidus de pesticides détectés ne présenterait pas de risque sanitaire. L’agence insiste néanmoins sur l’importance d’améliorer encore l’efficacité du contrôle des produits alimentaires afin d’assurer le plus haut niveau de protection des consommateurs possible.

L’EFSA précise d’ailleurs dans son rapport que des résidus de plusieurs pesticides non-approuvés par l’Union Européenne ont été détectés, y compris dans des échantillons de produits alimentaires provenant de pays de l’UE. Cela souligne l’importance d’un contrôle rigoureux des produits alimentaires. Dans ce cadre, l’EFSA propose à la fin de son rapport diverses recommandations pour améliorer l’efficacité de ce contrôle.

Pour lire le rapport complet de l’EFSA, cliquez ici.

Publication des résultats de l’étude Pesti’home, menée par l’ANSES

Cette étude visait à mieux connaître les pratiques et usages des pesticides par les Français à domicile. Elle est la première étude menée à ce sujet à l’échelle nationale. L’étude Pesti’home ciblait les pesticides utilisés au sein même des habitations, mais aussi ceux utilisés au jardin ou pour traiter les animaux domestiques. Au total, 1500 ménages ont été interviewés et 5400 produits ont été identifiés. L’étude a permis d’identifier les conditions d’usage et de stockage en situation réelle, et donc de mieux estimer l’exposition concrète des Français aux pesticides.

L’étude Pesti’home a permis d’observer que 75% des ménages interviewés avaient utilisé au moins un pesticide au cours de l’année écoulée. Les pesticides les plus utilisés étaient les insecticides (84%) (insectes volants, insectes rampants et parasites des animaux de compagnie), suivis par les herbicides et les produits permettant de traiter les maladies des plantes, et enfin les répulsifs cutanés. Trois profils-types ont été définis : les faibles utilisateurs, qui utilisent ponctuellement des pesticides, les forts utilisateurs, qui utilisent notamment des produits répulsifs ou des produits pour traiter les animaux domestiques, et les très forts utilisateurs, qui utilisent des pesticides multiples et à des fins diverses (entretien du jardin, répulsifs cutanés, traitement des animaux, insecticides…).

A l’issue de cette étude, l’ANSES formule deux recommandations :
-mieux informer sur les conditions d’utilisation et sur les modalités d’élimination des produits, les personnes interrogées ne connaissant ou n’appliquant globalement pas les précautions d’emploi ou d’élimination ;
-mieux évaluer l’exposition et les risques liés à l’utilisation de pesticides à domicile, à partir des données sur les usages apportées par l’étude Pesti’home.

Retrouvez l’étude Pesti’home en cliquant ici.