La présence de parabènes, de bisphénol A et de triclosan est aujourd’hui très réglementée, en Europe dont la France. Cependant, depuis que ces restrictions d’usage ont été mises en place, les données de biosurveillance sont très peu nombreuses en France. Il est ainsi difficile d’estimer l’exposition des personnes, et notamment des individus plus fragiles comme les enfants, ce qui pourtant permettrait la mise en place d’actions de prévention adaptées.
Dans ce contexte, les auteurs de cette étude ont étudié la présence de phénols dans l’organisme de 479 femmes enceintes et 150 de leurs enfants. Tous les participants appartenaient à la cohorte française SEPAGES. Afin de réaliser leur étude, les chercheurs ont analysé des échantillons d’urine des participants à plusieurs stades. Chez les femmes enceintes, des échantillons ont été prélevés au cours du premier et du troisième trimestres de grossesse. Pour les nourrissons, les échantillons ont été prélevés à 2 et à 12 mois. Les chercheurs ont ensuite comparé les concentrations de plusieurs phénols entre les échantillons d’urine de la mère et de l’enfant. L’objectif était d’évaluer la corrélation entre l’exposition de la mère et celle de l’enfant au fil du temps.
Bien que les concentrations moyennes détectées soient par comparaison plus faibles que celles observées précédemment dans le cadre de la cohorte EDEN, plusieurs polluants chimiques ont été très fréquemment détectés dans les échantillons. Ainsi, en moyenne, 90% des échantillons contenaient du bisphénol A, de l’éthylparabène, du méthylparabène, du benzophénone-3 et du triclosan. En revanche, la présence de bisphénol AF, B et BF n’a été détectée que dans moins de 5% des échantillons.
Les auteurs ont d’autre part constaté que les concentrations en bisphénol A, bisphénol S, méthylparabène, éthylparabène et propylparabène chez l’enfant de 12 mois équivalaient, voire même dépassaient, celles présentes dans l’organisme de la mère durant la grossesse. Les auteurs soulignent qu’ils n’ont pas observé de corrélation significative entre les concentrations chez la mère et celles chez l’enfant : il semble donc toujours y avoir une forte exposition des enfants à ces polluants malgré les restrictions d’usage, qui entraîne une bioaccumulation progressive.
De plus, les chercheurs ont constaté que si les concentrations de la plupart des phénols étudiés diminuaient avec le temps chez les femmes enceintes, cela n’était pas le cas pour le benzophénone-3 et le bisphénol S. Ces deux polluants semblent donc particulièrement persister. La biopersistance du bisphénol S a d’ailleurs été mise en avant l’année dernière par une étude de l’European Chemicals Agency (EHA). De plus, les chercheurs n’ont pas observé de baisse des concentrations de phénols au fil du temps chez les enfants.
Les auteurs ont pu distinguer des corrélations entre le niveau d’étude des femmes et les concentrations de plusieurs phénols. Notamment, un plus faible niveau d’étude semble associé à de plus fortes concentrations de triclosan, d’éthylparabène et de propylparabène1. Il faut cependant noter que cette association n’a pas été observée pour les autres phénols. Ainsi, les auteurs n’ont pas pu déterminer de corrélation significative entre le niveau d’étude et les concentrations de bisphénol A ou S chez la femme.
En conclusion, cette étude permet de constater que malgré les restrictions d’usage mises en place, la présence de phénols dans l’organisme des participants reste très forte, que ce soit chez les femmes ou chez les enfants. Les concentrations élevées de ces polluants observées chez les enfants à 12 mois souligne qu’il faut s’intéresser davantage à leur biopersistance ainsi qu’à leur bioaccumulation au fil du temps.
Références : Rolland M., Lyon-Caen S., Sakhi A. K. et al, 2020 : Exposure to phenols during pregnancy and the first year of life in a new type of couple-child cohort relying on repeated urine biospecimens. [En ligne]. Environment International, vol. 139. Disponible en libre-accès sur https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412019340681?via%3Dihub.
1. Les corrélations entre le niveau d’étude et les concentrations de phénols dans l’organisme peuvent être expliquées par des habitudes de consommation différentes. Une enquête récemment menée par l’ARS Nouvelle Aquitaine illustre ce point. Celle-ci avait effectivement permis de constater que les femmes les moins diplômées avaient moins tendance à recourir à des produits labellisés. Vous pouvez consulter le résumé de cette enquête sur https://www.projetfees.fr/enquete-sante-environnement-interieur-comportements-et-risques-dexposition-aux-polluants-interieurs-ars-nouvelle-aquitaine/